Pour une interdiction totale ...

04/03/2015 11:21

Pour une interdiction totale des insecticides néonicotinoïdes


 

Les néonicotinoïdes sont une famille d'insecticides agissant sur le système

nerveux central des insectes. Ce type de produit est présent sur le marché

français depuis 1994.

Sous différentes dénominations, on trouve les substances actives suivantes : thiaméthoxam, imidaclopride, thiaclopride, dinotéfuran, acétamipride, et clothianidine. Leur caractère systémique leur confère la possibilité d'être présent dans la totalité de la plante durant toute sa vie. L'utilisation des insecticides néonicotinoïdes concernent le traitement des semences, l'application au sol (en granulés) et le traitement foliaire des végétaux.

 

Dans un règlement d'exécution du 24 mai 2013, la Commission européenne a restreint par un moratoire d'une durée de deux ans, l'utilisation de trois substances actives de la famille des néonicotinoïdes : la clothianidine, le thiaméthoxam et l'imidaclopride.


 

La décision européenne a constitué un premier pas important dans la reconnaissance du rôle de ces molécules dans le déclin des pollinisateurs, déclin constaté aujourd'hui dans toute l'Europe et dans de nombreuses parties du monde. Selon des études, le taux de mortalités des colonies dans les pays du Nord de l'Europe  serait de 30 %, dont seulement une faible partie serait à amputer aux pathogènes et parasites. De plus en plus d’études attestent des impacts des néonicotinoïdes sur les pollinisateurs alors que les colonies d’abeilles fournissent grâce à la pollinisation un service indispensable pour la sécurité alimentaire et les rendements de l’agriculture.

De récentes études montrent que les impacts de ces molécules ne se limitent pas  aux pollinisateurs mais concernent tout un ensemble de composantes de notre  environnement (oiseaux, macro invertébrés, etc.). L’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) estime que ces molécules peuvent avoir une incidence sur le développement du système nerveux humain. Enfin, plusieurs rapports et publications font valoir que l’utilisation de ces molécules n’a pas permis une  augmentation significative des rendements pour les agriculteurs.

 

Pourtant les néonicotinoïdes restent utilisés sur de très larges surfaces, la mise sur le marché des semences traitées avec ces produits ne concerne pas les céréales d'hiver, En France, en 2012, le traitement de céréales à paille avec de l'imidaclopride concernait deux millions d'hectares soit un tiers des cultures totales de céréales à paille. Or selon les statistiques du ministère de l'agriculture, la majorité des céréales à paille sont des céréales d'hiver, elles peuvent donc continuer d'être librement traitées. Les semis d'automne s'effectuent à un moment critique où les colonies d'abeilles préparent l'hivernage en constituant des provisions et renouvelant les populations. La contamination des provisions, même à des doses sublétales, accroît la mortalité hivernale des colonies.

 

Par ailleurs en plus des dérogations, l'interdiction de la Commission européenne s'arrête à trois molécules, mais d'autres de la même famille demeurent pour l'instant autorisées par exemple l'acétamipride et le thiaclopride. Si leur toxicité aigüe est moindre pour les pollinisateurs, leur toxicité chronique serait équivalente aux autres néonicotinoïdes. Ils sont très largement utilisés dans l'agriculture notamment: SONIDO (thiaclopride) en enrobage de semences de maïs, PROTEUS (thiaclopride et deltaméthrine) utilisé sur blé, avoine, colza, pomme de terre et SUPREME 20SG (acétamipride) en pulvérisation sur colza, SUPREME et SUPREME 20SG pour traiter les  pucerons des fruitiers.

Ils sont aussi communément utilisés dans les traitements domestiques pour la prévention des puces chez les chats et chiens et la lutte contre les termites dans les structures en bois.

Les métabolites de ces insecticides (les éléments en lesquels ils se dégradent) tout aussi toxiques, sont capables de persister et de s'accumuler, en particulier dans le sol, pendant des mois ou des années. Une exposition de longue durée à de faibles doses (non létales) peut être "néfaste".

 

 

De récentes publications font craindre que ces produits affectent également la santé humaine. Dans un communiqué du 17 décembre 2013, l'Efsa déclare que « deux insecticides néonicotinoïdes - l'acétamipride et l'imidaclopride - peuvent avoir une incidence sur le développement du système nerveux humain ». Elle « a constaté que l'acétamipride et l'imidaclopride peuvent affecter de façon défavorable le développement des neurones et des structures cérébrales associées à des fonctions telles que l'apprentissage et la mémoire. » Cette dernière demandait fin 2013 un abaissement des niveaux recommandés d'exposition acceptable et un renforcement de leur évaluation, afin de prendre en compte les effets neurotoxiques.

L'agence canadienne de réglementation sur la lutte antiparasitaire (ARLA) classe la clothianidine, le thiaclopride et le thiaméthoxam comme perturbateurs endocriniens potentiels et indique des effets suspectés sur la reproduction chez l'animal pour l'acétamipride, la clothianidine et le thiaméthoxam. L'agence pour la protection de l'environnement des Etats-Unis (US EPA) classe le thiaclopride comme cancérigène probable.

Le parlement néerlandais, sur la base des études montrant l'impact des néonicotinoïdes sur la mortalité élevée des abeilles et l'apparition de lésions cérébrales chez les enfants, a invité le gouvernement néerlandais à adopter un moratoire sur tous les néonicotinoïdes jusqu'à ce qu'il soit établi que les néonicotinoïdes n'ont pas un effet néfaste sur les abeilles et la santé humaine.

 

Le moratoire européen reste juridiquement fragile et a été attaqué par les fabricants des pesticides Bayer et Syngenta. En effet, les néonicotinoïdes sont liés à des intérêts économiques énormes. Les trois molécules faisant l’objet d’une interdiction figurent parmi les insecticides les plus vendus au monde, et représentent 85 % du marché des néonicotinoïdes, qui pesait 2,3 milliards de dollars en 2009.


 

Malgré les preuves accablantes, les gouvernements hésitent à établir que la science est suffisamment concluante et donc à donner suite à ces conclusions en prenant des mesures.

Le 19 juin 2014, 173 députés et sénateurs français ont déposé une proposition de résolution demandant au ministre de l'Agriculture d'interdire totalement l'utilisation des substances néonicotinoïdes et "d'agir auprès de l'Union européenne". Le 4 février 2015, Stéphane Le Foll, lors du débat au Sénat déclarait "Le Gouvernement n'est pas favorable à une interdiction qui reviendrait à reconnaître un lien de causalité direct entre l'usage des néonicotinoïdes et la mortalité des abeilles. (…) Si nous voulons parvenir à faire valoir nos vues au niveau européen, il faut des bases solides". Le point de vue du ministre de l'Agriculture était largement partagé par une majorité de sénateurs, (parmi eux nos deux sénateurs des Pyrénées-Orientales, Mme Malherbe et Mr Calvet) qui ont voté contre la résolution (248 voix sur 312 votes exprimés)

Pour Olivier Belval, président de l'Union Nationale de l'Apicuture Française : "Le temps n'est plus à la réflexion, dans l'intérêt de tous, il y a maintenant urgence à décréter un moratoire total sur ces dangereux pesticides !".

De son coté, la Confédération paysanne réclame depuis 15 ans une interdiction de tous les pesticides néonicotinoïdes pour toutes les cultures. « Il est vain de prétendre développer l'apiculture, comme le fait notre ministre, tout en continuant à permettre le massacre programmé des abeilles. »

 

Les néonicotinoïdes sont incompatibles avec une agriculture écologique, le seul modèle viable à long terme. Il serait totalement incohérent d’engager un plan de réduction massif de l’usage des pesticides et faire de la France un leader de l’agro-écologie sans interdire complètement l’usage des néonicotinoïdes